Arles

Bâtie au delta du Rhône, Arles garde de son passé antique quelques glorieux vestiges tels que son théâtre et ses arènes. Ces dernières, érigées en 90 après J-C, ont renoué avec leur fonction d'origine à partir de 1830 avec les premiers spectacles taurins. Elles sont toujours le théâtre deux fois par an de la féria, qui rythme depuis 1965 pendant quatre jours la vie de la cité autour des traditions tauromachiques. La féria de Pâques, fin mars et la féria du riz, traditionnelle corrida goyesque qui se tient en septembre, avec les toreros en costumes d’époque et la réalisation d’une fresque éphémère sur le sable de l’arène.

La tour LUMA

Conçue en écho à la nuit étoilée de Vincent Van Gogh, la tour LUMA, dont la forme suggère les massifs des Alpilles, émerge d’une rotonde en verre rappelant les arènes romaines, illumine de ses 11000 briques d’inox martelé le paysage arlésien. Née de la collaboration entre la collectionneuse et mécène Maja Hoffmann et l’architecte Frank Gehry, la Fondation LUMA, à la fois centre d’art, de recherche et de production liées aux préoccupations environnementales, accueille tout à la fois de la photographie, de l’édition, du documentaire, du multimédia… La tour est également l’espace d’exposition d’œuvres créées spécialement pour le lieu par quelque uns des grands noms de l’art contemporain tels que ce vertigineux miroir qui tourne sur son axe au sommet d’un escalier hélicoïdal de l’artiste danois Ólafur Elíasson. 

Au rez-de-chaussée de la tour LUMA, l’entrée du DRUM CAFE est habillée d’une monumentale  tapisserie de dix mètres de long, confectionnée par les artisans de la manufacture d’Aubusson. Conçu par l’artiste thaïlandais Rirkrit Tiravanija, cet espace de création accueille des chefs en résidence qui font évoluer la carte au gré des saisons et de leurs inspirations. Invitée depuis juin 2023, la cheffe Ella Afalo y défend une cuisine vibrante de tonalités et de saveurs qui trouve son ancrage dans ses origines levantines. Ce qui donnait à la fin de l’été… d’égayants beignets au cumin et gouda, relevés d’harissa à l’amande à slurper d’un délectable aïoli safrané. Des udon, du chinchard grillé et de parfaits légumes nageaient dans un délicat consommé froid de crabe, katshobushi et huile de carapace. En dessert, un friand bao chaud au sucre et cannelle garni d’un sorbet abricot verveine et sumac et d’un abricot rôti.

LE SAUVAGE. Pains et fleurs.

En ouvrant avec son ami Pierre Collet, qui fermentait ce projet depuis plus de six ans, une boulangerie, Le Sauvage, Maja Hoffmann créé une nouvelle fois la surprise. Dans un espace signé de l’architecte Raffaela Bortoluzzi, qui devrait accueillir prochainement un fleuriste, les boulangers mettent la main à la pâte derrière les baies vitrées du fournil. Les pains sont confectionnés au levain naturel avec des farines biologiques du Moulin Saint-Joseph, situé à quelques kilomètres d'Arles et dont les origines remontent au XVIème siècle. Les brioches, qui renferment un cœur de praliné rivalisent de coquetterie avec celles au chocolat relevé de poivre de Timut.

Le café japonais

L’enseigne peinte en rouge de l’ancienne boucherie de la rue du 4 septembre a gardé son « chérie ». Après quelques années à Berlin, Marina Otsuka et son compagnon plasticien Hervé Humbert ont investi ce petit commerce pour en faire un café nippon ainsi qu’un lieu d’expositions, de concerts et de lectures poético-culinaires. Pour autant experte en cafés, Marina y propose d’exceptionnels thés venus du Japon, un cake au thé matcha d’une infinie gourmandise mais surtout des wagashi (ces petites douceurs de pâte de riz fourrée d’une beauté et d’une poésie infinies) à déguster avant un mousseux matcha, comme à la cérémonie du thé.

VAGUE

Rue de Grille, entre les murs en pierre de taille et les espaces voutés d’un magnifique hôtel particulier du XVIIe siècle, le designer et architecte d’intérieur japonais Teruhiro Yanagihara et Fanny Pellegrin ont ouvert Vague. Dans ce lieu habillé de meubles chinés par Julie Barrau dialoguent harmonieusement créations artistiques et culinaires comme ces gelati aux saveurs atypiques créées par la chercheuse culinaire Sayuri Sakairi, à partir d’ingrédients locaux métissés d’influences japonaises.

INARI

Si tant est qu’il faille encore présenter Céline Pham, la virtuose cheffe d’origine vietnamienne qui après quelques années d’itinérance et de résidences, de Papille à Fulgurances, a fait son nid dans une ancienne chapelle du XIIIe siècle de la Place Voltaire.

Répondant au doux nom d’Inari, divinité shintoïste japonaise du riz, des moissons et de la fertilité, le restaurant de Céline Pham se définit comme une « cuisine de marché ». Aux pianos de la cheffe s’accordent les produits du terroir arlésien avec son héritage vietnamien.

Confiée à Julie Barrau, la décoration de la salle au sol orange, faite de tables et chaises chinées et d’un vaisselier réalisé par l’Atelier Colette Doré, atelier local de restauration et création de mobilier habitent avec sobriété le lieu.

Dans les assiettes toujours délicatement envoyées, un tataki de bœuf du Limousin au summum accompagné de chou rave, concombres, kimchi de fenouil, pickles de moutarde et pourpier suivi d’un muge de Méditerranée et courges d’été, haricots de Paimpol, shizo rouge et miso blond.

L’Hôtel Présent

De l’audace ! De l’audace ! C’est que Guillaume Le Donche, le fondateur de l’Hôtel Présent, situé sur la place Voltaire, en a à revendre. Le bâtiment, construit en 1953 par l’architecte en chef de la reconstruction d’Arles, Pierre Vago, fervent défenseur du Mouvement moderne, vient de renaître sous la houlette de ce jeune homme féru d’architecture et de mobilier vintage. L’architecture du bâtiment, soulignée par les volets peints et les terrasses toutes carrelées d’un jaune pétillant sont habillées de chaises Matrix.

A l’intérieur, il en ressort, n’en déplaise aux superstitieux, treize chambres qui se font l’écrin de pièces minutieusement chinées. Sur le mur face au lit de la chambre 303, une lithographie de Jean Cocteau de 1963, cadeau de la compagne de Guillaume. Les salles de bains, parées de carreaux rouge-ocre qui se dévoilent par le prisme d’une paroi en pavés de verre, se veulent un hommage à l’une des plus importantes réalisations architecturales de la première moitié du XXe siècle, « la maison de verre » des architectes Pierre Chareau et Bernard Bijvoet et de l'artisan ferronnier Louis Dalbet. Une esthétique poussée jusque dans les pièces d’aisance, en clin d’œil aux préceptes de “L’éloge de l’ombre” de Jun'ichirō Tanizaki.

Poser ses valises à l’hôtel Présent, c’est bien pour profiter du temps (présent). Dans les chambres, point de téléviseur, mais une bibliothèque aux titres choisis par des maisons d’éditions indépendantes spécialisées dans l’architecture, l’art et la littérature. Point de mini-bar non plus mais une mini-cave de vins naturels de petits exploitants vignerons.

Le toit-terrasse, entièrement carrelé de bleu-azur est l’endroit où prendre de dynamitants cocktails avec un mirobolant panorama sur la ville.

De l’audace encore dans les cuisines campées par la cheffe algéro-finlandaise Maud Saddock ! Asseyez-vous à la terrasse de la place Voltaire aux rayons déclinants du soleil et laissez venir le temps des réjouissances… au goût en entrée de ces insoupçonnées croquettes au thon et pommes de terre relevées d’une émulsion à la ciboulette à se damner. En plat, de cette truite banka et sa salade de fenouil et carottes rôties accompagnées d’une renversante crème de hareng. Et en dessert de ce financier noisette, abricot nectarine marié à une gourmande crème mascarpone.

Les Cabanettes

Construit dans les années 60 sous l’impulsion d’un couple d’hôteliers visionnaires, Louise et Marc Berc, par l’architecte, décorateur et sculpteur Armand Pellier, cet ovni moderniste installé en bordure de la nationale 572 aux portes de la Camargue a été labellisé « Architecture Contemporaine Remarquable » par le ministère de la Culture.

Les Cabanettes ont permis à son architecte de livrer la pleine mesure de son savoir-faire dans une œuvre d’architecture totale. Mobilier, luminaires, ou encore ferronneries décoratives… Armand Pellier en a dessiné les moindres détails, participant en cela à l’harmonie d’un ensemble décoratif singulier.

Ce trésor architectural à l’identité affirmée a pu être préservé grâce au respect et à la vigilance de tous ses propriétaires, aujourd’hui le couple franco-américain Gaëlle et Aaron Redlin-Bihr.

Hôtel Nord-Pinus

Campé sur la pittoresque place du forum plantée de platanes où se trouve la statue de l’écrivain Frédéric Mistral, le mythique hôtel arlésien Nord-Pinus.

Il fut la propriété du clown Nello et sa compagne Germaine, chanteuse d’opérette. Picasso, Cocteau et bien d’autres y avaient leurs habitudes. Fernandel y prenait son pastaga attablé au comptoir.

De la façade dans laquelle se trouve encastrée les vestiges d’un forum romain à la décoration un brin désuète et l’ambiance surannée, tout concourt à vous plonger dans un autre temps…

 

 


Montreuil-sur-Mer

Sur la Côte d’Opale non loin du Touquet, dans une cité fortifiée où comme son nom pourrait le laisser penser les flots viennent la chahuter, la ville de Montreuil-sur-Mer est une belle citadelle cernée par la campagne. Ici point de port, et de rives il n’y a que celles de la Canche qui coule en contrebas pour se jeter quelques kilomètres plus loin dans la Manche.

Depuis qu’il a repris en 2003 le flambeau de l’hôtel-restaurant La Grenouillère à la Madelaine-sous-Montreuil tenu par son père Roland, aujourd’hui doublement étoilé, le chef Alexandre Gautier ne cesse en son pays natal de conjuguer des lieux au passé recomposé. C’est à quelques marches des remparts, dans une charmante bâtisse XIXe du centre bourg à la façade revêtue de vert sombre qu’Alexandre Gautier a décidé d’accueillir ses hôtes pour y pioncer dans des chambres qu’il a qualifié « de circonstance » où tout rentre en résonnance ; le lieu et son histoire, la cuisine et son territoire.
Dans la réception parquetée aux murs et plafond tout de vert recouverts est peint un plan de la ville réalisé à la main par le peintre en lettres Maksigns. Les murs du vestibule et du haut de l’escalier qui monte aux chambres ont conservé leur ancien papier à fleurs. Le salon à la cheminée d’origine se fait lui l’écrin d’un tableau de Jan Lavezzari représentant un bateau échoué dans la baie d’Authie dont les tonalités ont inspiré toutes celles de la maisonnée. Vous pourrez vous y prélasser dès votre arrivée avec en guise de bienvenue une limonade maison ainsi que des sablés aux baies de genévrier.

Dans le jardin d’hiver où la vigne s’épanouit trône une hotte d’acier brut dans une niche à feu en béton maçonné d’un blanc immaculé.
A l’étage, les chambres sont desservies par un couloir baigné de lumière et de jeux d’ombres qu’anime aux beaux jours la glycine longeant la façade. Dans la chambre couchette, l’une des quatre chambres de circonstance, siège la réédition d’une baignoire ancienne entre le boudoir et le lit lové dans une alcôve peinte en jaune brillant.
Disséminés dans de nombreux recoins de PieuX, les collages au charme suranné et à l’humour décalé de l’artiste graphiste Mélanie Busnel renvoient au passé de la rue des Etuves, où les prostituées ont longtemps travaillé.
Dans la salle du petit déjeuner vous vous installerez sur des chaises d’écoliers pour vous régaler le matin d’une brioche de La Grenouillère, de confitures, de miel foisonné, de praliné et d’un granola maisons, ou bien encore de yaourts et fromages de la fromagerie voisine…

Une fois le petit déjeuner englouti, je vous invite à une promenade le long des remparts, dont le tour complet sur trois kilomètres vous fera admirer d'un côté la vallée de la Canche et le plateau du pays de Montreuil et de l'autre la vue sur les toits de la Ville Basse. Rendez-vous ensuite au cœur de la cité, au numéro 5 de la place Darénal acheter Au Gré des Blés l’un des meilleurs pains au chocolat de France, que vous dégusterez sur cette place ombragée qui mérite de s’y attarder. Cette adresse n’étant pas ouverte toute la journée, il vous faudra descendre plus tard dans la Ville Basse et traverser les voix de chemins de fer et la Canche, pour vous rendre à la seconde adresse d’Au Gré des Blés, y prendre de quoi goûter d’une ineffable brioche feuilletée. Faits avec des farines issues de variétés de blés anciens et paysans, les pains confectionnés par Ulysse Toulet sont exclusivement au levain naturel et panifiés sur de longues fermentations.  Il vous faudra laisser conter l’Odyssée, le pain emblématique de la maison. 

Pour les amateurs de frometon, direction 14 place du Général de Gaulle, à la fromagerie Caseus. Dans cette accueillante crémerie qui fait la part belle aux fromages du nord vous pourrez aussi partir à la découverte d’autres spécialités fromagères de France ou d’ailleurs et terminer par de succulents yaourts fermiers de la ferme du Sire de Crequy infusés au thym citronné, à la menthe ou bien même à la citronnelle.

Sur la même place du Général de Gaulle, vous ne pourrez manquer l’adresse « bistrotière » d’Alexandre Gauthier à sa devanture noir mat et ses chaises jaune poussin en terrasse. Au Grand’Place Café la devise « Café quotidien, petite restauration et semainier de plat ouvriers. » donne le ton ! Ainsi que la décoration tout à trac : du plancher de l’appartement du dessus effondré laissant apparaître un vieux papier peint jusqu’aux aux murs grattés. À la carte, un fish & chips à faire pâlir d’envie les habitants d’Outre-Manche ; au semainier, un opulent vol-au-vent archi feuilleté vous invite à venir vous y attabler le jeudi ainsi qu’un plaisant cordon bleu et coquillettes le samedi…


Non loin de l'abbatiale Saint-Saulve construite au XIIe siècle, c’est entre les murs de l’ancien Hôtel Dieu, à L’Anecdote, qu’Alexandre Gautier rend hommage à la cuisine de son père Roland lorsqu’il ouvrit La Grenouillère en mars 1979, y faisant revivre ces recettes oubliées nous assurant des moments d’ivresse, où l’amour à longs flots nous verse le bonheur*. Une cuisine de mémoire où au menu ce jour-là en entrée, le haddock fumé nageait dans un orgasmique velouté d’asperges blanches.


Enfin, avant que la nuit ne tombe, hâtez-vous d'aller musarder à cette heure fugitive en haut des remparts avant de rejoindre votre PieuX y entendre aux dernières lueurs le vent qui murmure, les herbes hautes qui susurrent. Une fois rentrés, laissez-vous bercer par les craquements du bois dans la cheminée ; de ce séjour vous garderez le souvenir d’un temps au cours suspendu, de trop rapides délices ; implorant quelques moments encore.

*Le Lac, Alphonse de Lamartine