Montreuil-sur-Mer

Sur la Côte d’Opale non loin du Touquet, dans une cité fortifiée où comme son nom pourrait le laisser penser les flots viennent la chahuter, la ville de Montreuil-sur-Mer est une belle citadelle cernée par la campagne. Ici point de port, et de rives il n’y a que celles de la Canche qui coule en contrebas pour se jeter quelques kilomètres plus loin dans la Manche.

Depuis qu’il a repris en 2003 le flambeau de l’hôtel-restaurant La Grenouillère à la Madelaine-sous-Montreuil tenu par son père Roland, aujourd’hui doublement étoilé, le chef Alexandre Gautier ne cesse en son pays natal de conjuguer des lieux au passé recomposé. C’est à quelques marches des remparts, dans une charmante bâtisse XIXe du centre bourg à la façade revêtue de vert sombre qu’Alexandre Gautier a décidé d’accueillir ses hôtes pour y pioncer dans des chambres qu’il a qualifié « de circonstance » où tout rentre en résonnance ; le lieu et son histoire, la cuisine et son territoire.
Dans la réception parquetée aux murs et plafond tout de vert recouverts est peint un plan de la ville réalisé à la main par le peintre en lettres Maksigns. Les murs du vestibule et du haut de l’escalier qui monte aux chambres ont conservé leur ancien papier à fleurs. Le salon à la cheminée d’origine se fait lui l’écrin d’un tableau de Jan Lavezzari représentant un bateau échoué dans la baie d’Authie dont les tonalités ont inspiré toutes celles de la maisonnée. Vous pourrez vous y prélasser dès votre arrivée avec en guise de bienvenue une limonade maison ainsi que des sablés aux baies de genévrier.

Dans le jardin d’hiver où la vigne s’épanouit trône une hotte d’acier brut dans une niche à feu en béton maçonné d’un blanc immaculé.
A l’étage, les chambres sont desservies par un couloir baigné de lumière et de jeux d’ombres qu’anime aux beaux jours la glycine longeant la façade. Dans la chambre couchette, l’une des quatre chambres de circonstance, siège la réédition d’une baignoire ancienne entre le boudoir et le lit lové dans une alcôve peinte en jaune brillant.
Disséminés dans de nombreux recoins de PieuX, les collages au charme suranné et à l’humour décalé de l’artiste graphiste Mélanie Busnel renvoient au passé de la rue des Etuves, où les prostituées ont longtemps travaillé.
Dans la salle du petit déjeuner vous vous installerez sur des chaises d’écoliers pour vous régaler le matin d’une brioche de La Grenouillère, de confitures, de miel foisonné, de praliné et d’un granola maisons, ou bien encore de yaourts et fromages de la fromagerie voisine…

Une fois le petit déjeuner englouti, je vous invite à une promenade le long des remparts, dont le tour complet sur trois kilomètres vous fera admirer d'un côté la vallée de la Canche et le plateau du pays de Montreuil et de l'autre la vue sur les toits de la Ville Basse. Rendez-vous ensuite au cœur de la cité, au numéro 5 de la place Darénal acheter Au Gré des Blés l’un des meilleurs pains au chocolat de France, que vous dégusterez sur cette place ombragée qui mérite de s’y attarder. Cette adresse n’étant pas ouverte toute la journée, il vous faudra descendre plus tard dans la Ville Basse et traverser les voix de chemins de fer et la Canche, pour vous rendre à la seconde adresse d’Au Gré des Blés, y prendre de quoi goûter d’une ineffable brioche feuilletée. Faits avec des farines issues de variétés de blés anciens et paysans, les pains confectionnés par Ulysse Toulet sont exclusivement au levain naturel et panifiés sur de longues fermentations.  Il vous faudra laisser conter l’Odyssée, le pain emblématique de la maison. 

Pour les amateurs de frometon, direction 14 place du Général de Gaulle, à la fromagerie Caseus. Dans cette accueillante crémerie qui fait la part belle aux fromages du nord vous pourrez aussi partir à la découverte d’autres spécialités fromagères de France ou d’ailleurs et terminer par de succulents yaourts fermiers de la ferme du Sire de Crequy infusés au thym citronné, à la menthe ou bien même à la citronnelle.

Sur la même place du Général de Gaulle, vous ne pourrez manquer l’adresse « bistrotière » d’Alexandre Gauthier à sa devanture noir mat et ses chaises jaune poussin en terrasse. Au Grand’Place Café la devise « Café quotidien, petite restauration et semainier de plat ouvriers. » donne le ton ! Ainsi que la décoration tout à trac : du plancher de l’appartement du dessus effondré laissant apparaître un vieux papier peint jusqu’aux aux murs grattés. À la carte, un fish & chips à faire pâlir d’envie les habitants d’Outre-Manche ; au semainier, un opulent vol-au-vent archi feuilleté vous invite à venir vous y attabler le jeudi ainsi qu’un plaisant cordon bleu et coquillettes le samedi…


Non loin de l'abbatiale Saint-Saulve construite au XIIe siècle, c’est entre les murs de l’ancien Hôtel Dieu, à L’Anecdote, qu’Alexandre Gautier rend hommage à la cuisine de son père Roland lorsqu’il ouvrit La Grenouillère en mars 1979, y faisant revivre ces recettes oubliées nous assurant des moments d’ivresse, où l’amour à longs flots nous verse le bonheur*. Une cuisine de mémoire où au menu ce jour-là en entrée, le haddock fumé nageait dans un orgasmique velouté d’asperges blanches.


Enfin, avant que la nuit ne tombe, hâtez-vous d'aller musarder à cette heure fugitive en haut des remparts avant de rejoindre votre PieuX y entendre aux dernières lueurs le vent qui murmure, les herbes hautes qui susurrent. Une fois rentrés, laissez-vous bercer par les craquements du bois dans la cheminée ; de ce séjour vous garderez le souvenir d’un temps au cours suspendu, de trop rapides délices ; implorant quelques moments encore.

*Le Lac, Alphonse de Lamartine